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COMICSOLOGIE
20 mai 2011

Spider-Man hors-série 33 : "American Son" (mars 2011).

Tous les super-héros, ou même les anti-héros, ont leur nemesis. Un personnage représentant leur exact opposé, souvent même tellement opposé que leur simple existence devient complémentaire pour mieux cerner la psychologie du héros. D'autant plus que bien souvent, cette opposition repose, à la base, sur un point commun que chacune de deux parties en présence utilise différemment. Si différemment que le clash devient inévitable.
Pour Batman, il y a le Joker. Batman est droit, carré, logique, c'est un justicier dans toute sa splendeur. Le Joker est un fouteur de merde incontrôlable, qui ne pense qu'à instaurer le chaos et qui, suprême différence avec Batman, n'a absolument aucun respect pour la vie humaine. Et pourtant, tous les deux ont une chose importante en commun : ils sont extrêmement rusés. Plus d'une fois, Batman se sort de mauvais pas en utilisant avant tout ses neurones plutôt que ses muscles. Plus d'une fois, il s'avère que les actions en apparence totalement désordonnées du Joker répondent en fait à un plan bien mieux pensé et huilé qu'il n'y paraît, fruit d'une réflexion possiblement longue.
Pour le Punisher, il y a Jigsaw. A la base, les deux sont des tueurs impitoyables, possédés par la haine et la soif de sang. La différence est que le Punisher s'en sert pour accomplir sa justice sauvage (en n'oubliant pas de faire souffrir ses victimes au passage) là où Jigsaw ne cherche jamais à canaliser sa haine, préférant s'en servir pour être le plus méchant possible.
Les exemples sont nombreux (Daredevil VS le Caïd; Professeur X VS Magneto; Thor VS Loki, etc...) mais respectent toujours cette règle immuable : en apparence totalement antinomiques, les deux ennemis révèlent toujours un point commun qui est bien souvent la cause première de la haine qu'ils se vouent. Le héros voit en l'autre ce qu'il aurait pu devenir si à un moment donné, un simple petit détail foireux l'avait fait basculer du côté obscur. Le bad guy, qui est depuis longtemps devenu irrécupérable et en a bien conscience, voit dans le héros ce qu'il aurait pu être s'il n'avait pas fait les mauvais choix. A partir de là, la situation devient explosive, et ne manque jamais de s'avérer destructrice pour les deux parties.

En l'occurence, Spidey est celui qui a vu et vécu le drame le plus significatif et marquant de tous ces affrontements, tous héros confondus : l'assassinat de Gwen Stacy par Norman Osborn.
Pas étonnant lorsque l'on prend en compte que de toutes les haines opposant deux personnages dans le monde des comics, celle entre Peter Parker et Norman Osborn est la plus forte. D'une parce que les deux hommes n'ont pas qu'un seul point en commun, ils en ont deux : une importance sans limite accordé à leurs familles respectives, qui sont souvent impliquées contre leur gré dans leurs affrontements quand leurs actes n'ont pas directement une énorme incidence sur leur psychologie; et de grands talents dans le domaine scientifique (deux choses d'ailleurs parfaitement cernées par Raimi dans sa trilogie).
Spidey est devenu Spidey suite à la mort de son oncle, qu'il considérait comme un père. Il est extrêmement attentif au bien-être de sa tante et se montre le meilleur des maris avec Mary-Jane (ou, pour remonter bien plus loin, le meilleur petit ami possible avec Gwen). Il est doué en sciences et s'en sert pour fabriquer toiles artificielles, traceurs et autres accessoires indispensables au but qu'il s'est fixé : faire le bien, tout en espérant un jour obtenir la rédemption pour avoir malencontreusement laissé son oncle mourir. Norman, quand à lui,  ne veut que le meilleur pour son fils Harry. Le problème est que Norman, en tant que pervers, a une vision si déformée des choses que ce qu'il considère comme bon pour son fils (et ce n'est pas par sadisme : dans son esprit incroyablement torturé, Norman considère vraiment que ce qu'il fait subir à son fils est bon pour lui) s'avère au final totalement destructeur pour ce dernier. Et Norman ne s'arrête pas à son fils, puisque la femme de Harry et leur fils seront eux aussi victimes de ce père abusif, sévissant dès qu'il le peut. Il est de plus un grand scientifique, capable d'inventer des machines ou des substances qui seraient admirables de par leur conception ouvertement géniales si elles ne témoignaient pas autant de l'esprit dérangé qui les a crées (outre le sérum du Bouffon, on compte un nombre assez important de machines de tortures et de substances étranges provoquant divers effets en général bien repoussants; sans parler des armes dont se sert le Bouffon Vert).
A partir de là, le clash entre ces deux personnages ne peut que survenir et s'avérer des plus violents, d'autant plus qu'au début de leur relation, Norman avait tendance à considérer Peter comme un fils, avec tout ce que ça implique en termes de perversité (du côté de Norman) et de malaise (du côté de Peter, ressentant ce malaise envers son meilleur ami Harry et la mémoire de son oncle).

spideyhsC'est justement le côté familial de la chose qui est mis en avant dans ce hors-série. Ce qui va également permettre au scénariste Brian Reed de donner à Harry Osborn (qui est au centre du récit) une ampleur qu'il avait perdue et qu'il n'avait pas encore réussi à récupérer depuis son retour abracadabrant à la fin de "One More Day".
Harry a toujours vu l'image de son père lui peser sur les épaules. Le poids des actes horribles commis par ce dernier, ajouté à une éducation stricte et dénuée d'amour, une propension de la part de Norman à le traiter en incapable et à toujours vouloir le diriger dans ses moindres choix et des tentatives de réconciliation systématiquement avortées ont finit par faire de lui, dans ses plus sombres moment, un toxicomane souvent en plein délire qui avait même finit par devenir très momentanément le nouveau Bouffon Vert.
Dernièrement, Harry avait encore subi un nouveau délire de la part de son père : celui-ci, devenu pendant un temps l'homme le plus puissant des U.S.A., avait cherché à faire de son fils un nouveau "Vengeurs" (entre guillemets car les "Vengeurs" de Norman, composés de super-criminels, sont bien éloignés de l'équipe de Captain America) qui aurait pris l'identité d'American Son, sorte de croisement entre Iron Man (pour l'armure, et donc les pouvoirs) et Captain America (pour le symbole, l'armure étant aux couleurs de la bannière étoilée). La tentative tourna court, Harry envoyant finalement son père balader en beauté (avec l'aide de Spidey). Mais aujourd'hui, et alors que Norman est enfin retourné en prison, American Son ressurgit...
A partir de là, tout le récit, bien que comportant quelques interventions ponctuelles du Tisseur, sera avant tout centré autour de Harry, y compris dans ses sous-intrigues les plus mineures. Le but pour Reed est bien de redonner une légitimité à la présence de Harry dans l'univers de Spidey. Depuis son retour, celui-ci était au mieux traité comme un appui solide pour Peter en cas de coup dur, au pire comme un petite source d'embêtement (lors de l'arrivée d'un nouveau super-vilain tenant beaucoup du Bouffon, Menace, Harry a certes eu un rôle assez important, mais bien loin du caractère crucial qu'il avait pu avoir par le passé). Ici, les buts du récits sont de savoir si Harry a finalement décidé d'enfiler le costume d'American Son. Si Harry est prêt à faire face à son père (superbe scène de confrontation entre les deux Osborn lors d'une visite en prison), et par extension, de vivre avec le poids q'implique son nom. Si Harry peut faire face seul à ses problèmes d'argent sans pour autant sombrer à nouveau dans la drogue. Si Harry peut mettre sa rancune et son animosité de côté envers Spider-Man de temps à autre en cas d'obstacle majeur. Et enfin, last but not least, de savoir si l'amitié qui l'unit à Peter peut résister face à autant d'embûches.
Toutes ces interrogations trouveront leurs réponses dans un climax plein de fureur, de sang, de larmes et de violence (clairement l'un des plus intenses que les publications liés au Tisseur ait connu ces derniers temps) où toutes les émotions se mêlent (ressentiment, confiance, suspicion, affection, courage); d'autant plus que Reed a eu l'idée gonflée (mais au final totalement payante, car parfaitement gérée) de faire appel à l'une des idées les plus controversées du run de Straczynski : l'existence d'un fils et d'une fille illégitime de Norman dont Gwen Stacy est la mère. Cette saga, intitulé "Passé Recomposé", avait à l'époque suscité une polémique chez les fans. Si je devais apporter vite fait mon opinion, je dirais que oui, effectivement, l'idée d'avoir fait de Gwen la mère des gosses de Norman est une idée stupide. Certes, le but était de donner à Norman une nouvelle ampleur perverse. De ce côté là, pas de doute, la saga visait juste. Mais faire de Gwen une petite amie à ce point infidèle (pour ne pas employer un terme plus fort et moins...correct, disons) était un contre-sens absolu lorsque l'on repense à la relation Peter / Gwen telle que dépeinte dans les comics de l'époque. Si bien que bon nombre de fans ont préféré tout bonnement oublier cette saga. Reed fait à peu près la même chose : s'il amène bien dans l'histoire le fils illégitime de Norman, il prend bien soin de ne jamais mentionner sa mère. En clair, il garde l'apport de Straczynski à la perversité de Norman, tout en oubliant allègrement que le même auteur a fait de Gwen une salope (oups...mes doigts ont flanché). Ce qui permet donc de rendre la situation encore plus explosive : Harry prend conscience à quel point son père peut être détraqué, et n'a d'autre solution que d'agir en conséquence, c'est-à-dire radicalement, sur tous les plans, d'où ce climax enflammé.
Par la grâce d'une narration fluide (toutes les problématiques sont résolues dans le dernier chapitre sans temps morts, sans lourdeur -jamais de dialogues pompeux- ou oubli de détails) impliquant dans son déroulement l'apport talentueux d'idées audacieuses; le personnage d'Harry en ressortira grandit, retrouvant enfin une place de choix dans l'univers de Spider-Man, en tant que Harry OSBORN (avec tout ce que cela implique), et non pas juste Harry. Et, par extension, le personnage-titre se verra lui aussi évolué encore un peu plus de par sa relation fraternelle (et donc, forcément, en partie conflictuelle) avec le fils de sa némésis; une évolution s'imbriquant parfaitement dans celles récemment apportées dans la série régulière par la team de scénaristes habituels, évolutions ayant avant tout pour but de faire retrouver au personnage toute la splendeur pré-"One More Day" qu'il avait perdue.

Bref, un hors-série indispensable, que tout fan de Spidey se doit de lire.

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