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COMICSOLOGIE
10 avril 2011

Marvel Universe hors-série 9 : "Marvel Universe VS. The Punisher".

Renouveller un personnage n'est pas chose aisée. Quand celui-ci existe depuis longtemps (en l'occurrence, pour le Punisher, depuis 1973, soit quasiment 40 ans), l'arrivée d'un nouveau scénariste sur la série régulière est toujours vectrice de crainte de la part du lectorat. Cela dit, certains arrivent à apporter à un personnage et son univers leurs propres personnalités et obsessions tout en respectant l'essence même du personnage. Un exercice de jonglage difficile, qui s'il est réalisé avec intelligence, peut permettre toutes les extravagances pour peu qu'elles respectent l'histoire du personnage et ce qui a forgé sa caractérisation au fil du temps. Dans certains cas, ces innovations, parfois spectaculaires, peuvent même enrichir le personnage (pour plus d'infos, relisez le formidable run de Mark Millar sur Spider-Man, que Marvel a malheureusement allègrement et honteusement bousillé avec One More Day...la série commence juste à s'en remettre, mais ça, je l'ai déjà dit). Concernant le Punisher, inutile de refaire tout l'historique du run de Garth Ennis sur la série (ceux qui veulent se rafraîchir la mémoire peuvent relire le tout premier article publié sur ce blog). Il faut juste préciser que si ce run était certes circonscrit à une seule série ("Marvel Knights : Punisher" devenue rapidement "Punisher : Max"), sa grande qualité à eu une influence sur la perception que le lectorat a du Punisher, forçant ainsi les séries annexes à prendre en compte le travail d'Ennis (ce qui explique que la récente saga "FrankenCastle", dont je n'irais pas jusqu'à dire qu'elle est dotée de qualités mais plutôt qu'elle est moins catastrophique que prévue, ait été si mal reçue par bon nombre de lecteurs).
C'est ce constat qui permet aux histoires dites "What if ?" ("Et si ?") d'exister. Ces histoires, souvent publiés sous forme de mini-séries de 4 épisodes, racontent un récit totalement hors-continuité, où absolument tout devient possible. Pour le récit chroniqué aujourd'hui, Johnathan Maberry, auteur prolifique d'histoires horrifiques (et que l'on peut remercier pour avoir récemment rappelé au bon souvenir des lecteurs des personnages comme Man-Thing ou le Loup-Garou) et récemment auteur d'un one-shot semi-convaincant mettant déjà en scène le Punisher dans la continuité de la série "Punisher : Max" (one-shot publié dans Marvel Max : Punisher n°18...première chronique de ce blog, donc) imagine donc une sorte de croisement entre deux univers, ou plutôt entre un univers (Marvel Zombies) et un autre one-shot (The Punisher Kill The Marvel Universe, signé...Garth Ennis). En bref, Castle, seul survivant de New York aux capacités hors-norme (ok, il n'a aucun super-pouvoir, mais dès qu'il a une arme à feu dans les mains, il devient l'homme le plus dangereux de la planète) se retrouve donc à traquer des versions zombifiés de Deadpool, Hulk, Spider-Man, Daredevil, le Caïd et autres (même Hammerhead fait son apparition !) pour trouver et sauver les derniers survivants civils de la ville.
De ce point de vue, ce récit pourrait sembler être celui rêvé pour Maberry, puisqu'en faisant évoluer le Punisher dans un univers purement horrifique (où Deadpool, avec son sens de l'humour légendaire, se met à prier Saint George Romero), il pourrait donc se l'approprier totalement et se permettre tous les délires sans que cela ait de conséquences sur la continuité "officielle" de la série. En apparence seulement, puisque Maberry a commis l'erreur (à moins qu'il ne s'agisse d'une bonne idée gâchée ?) de faire référence à un one-shot signé Garth Ennis. C'est là la principale qualité (après tout, le run d'Ennis fut si qualitatif et marquant, pourquoi se priver de le prendre en compte ?), mais aussi le seul et gros défaut (faire référence à un maître en la matière comme Ennis, ok...mais faut savoir suivre !) de ce récit.

Marvel_universeTout au long du récit, l'auteur va avoir le cul entre deux chaises. Quand il s'agit de simplement faire évoluer le Punisher dans cette ville dévastée et monopolisé par des infectés, pas de doutes, le bonhomme assure, parvenant sans problèmes à conjuguer cet univers avec le personnage tel qu'on le connaît depuis Ennis. Le Punisher a des doutes, il est plus qu'ambigu, il disserte sur l'état du monde actuel, est pris d'angoisses...bref, il est terriblement humain, et le poids énorme de sa terrible quête de vengeance lui pèse de plus en plus sur les épaules. A la fois fragile et fort, impitoyable et sensible, l'anti-héros rencontre des monstres qui ne sont jamais que, si ce n'est des révélateurs de son mal-être intérieur, mais au moins d'affreux miroirs (surtout lorsque l'on prend en compte la grosse idée de ce récit concernant l'origine de l'infection). Maberry s'en serait tenu là, ne cherchant pas à marcher dans les pas d'Ennis quand il s'agit de dresser une peinture plus intime du personnage, j'aurais applaudi des deux mains et estampillé ce numéro de "claque du mois"; car les scènes d'action pensées par Maberry sont toujours vectrices de sens sans la moindre lourdeur, sans que jamais le propos n'ait besoin d'être surligné pour être visible, compréhensible, et percutant.
Hélàs, si s'imprégner du travail d'Ennis implique souvent pour les auteurs de suivre le schéma narratif qu'il a mis en place, schéma dont seul Victor Gischler a su pour l'instant se montrer digne (sans atteindre cela dit le côté définitif des récits d'Ennis), le contourner sans l'ignorer est bien plus complexe. Et il est d'autant plus rageant de voir Maberry, pourtant proche du carton plein, tomber en plein dans le panneau. Il avait réussi à conjuguer sa personnalité avec les apports d'Ennis, pourquoi dès lors s'obstiner à en rajouter, quitte à tout perdre, en reprenant le schéma imposé par Ennis ?
Ainsi, Maberry se sent obligé de mettre en scène des passages plus intimistes, où le Punisher s'entretient avec les deux seuls survivants qu'il a trouvé depuis qu'il a entrepris de nettoyer New-York des infectés. Les deux survivants en question se trouvent être un prêtre et un enfant sous le choc et en plein délire qui appelle Castle "papa" (notez déjà les métaphores pleines de lourdeurs sur les thèmes de la rédemption et de la vengeance paternelle). Ces passages vont s'avérer d'une lourdeur peu commune, bourrés de dialogues pompeux qui alourdissent et ralentissent l'ensemble. Le prêtre fait la morale, engueule le Punisher comme s'il s'agissait d'un petit enfant et celui-ci ne trouve qu'à rétorquer de molassons "je suis un tueur" ou encore "je suis ici pour tuer" qui, dans ce contexte et employés de cette manière le feraient presque passer pour un ersatz de Steven Seagal...ce qui va donc au final totalement à l'encontre du but recherché. Chez Ennis, qui lui savait gérer ses passages intimistes pour les rendre indipensables à la progression de l'intrigue, et parfois même plus importants que l'intrigue elle-même, par la grâce d'une écriture sachant les emboîter parfaitement dans la narration; ces passages devenaient des moments où le Punisher évoluait, où la personnalité du personnage s'enrichissait. Chez Maberry, on a plutôt l'impression de voir le Punisher réduit au rang de boucher abruti qui tue parce qu'il tue, parce que c'est un tueur, point barre. L'intention d'Ennis était bonne, mais il faut savoir se montrer à la hauteur pour la prolonger...dans le cas contraire, la chose devient pesante, ennuyeuse, et ne sert plus à rien. D'autant plus agaçant que, lors de ces passages, le Punisher fait un terrible surplace; avant que des situations ne le remettant immédiatement dans le feu de l'action avec des infectés (parfaitement maîtrisées par Maberry, je le rappelle) ne reprennent leurs droits, ne faisant que souligner encore un peu plus le caractère médiocres des passages intimistes. Surtout quand la scène d'action en question tient au final le même propos que la scène intimiste...
Partant de là, il n'est pas étonnant de se retrouver face à un final mi-figue mi-raisin, car cherchant à combiner ces deux aspects : en clair, l'action du climax est vectrice de sens, et de façon bien percutante; mais Maberry se sent obligé de souligner le propos, pourtant déjà parfaitement compréhensible et efficace, par une remarque lourdingue du prêtre. Après, on pourra toujours dire que, certes, la toute dernière case est très réussie, montrant un monologue intérieur de Castle à la fois choquant et touchant, qu'Ennis n'aurait pas renié. Le hic, c'est que celui-ci y serait arrivé avec une fluidité brillante là où Maberry s'est senti obligé de passer par moults circonvolutions (sans compter qu'il aurait probablement pu y parvenir sans faire appel au schéma narratif d'Ennis, simplement en suivant ce qu'il avait entrepris lors des scènes d'action).

Au final, comme je l'avais déjà dit lors de ma précédente chronique consacrée au Punisher, l'ombre d'Ennis plane toujours sur le personnage. Ce n'est pas étonnant lorsque l'on prend en compte l'incroyable qualité de son run, mais ce récit, plus qu'un autre, montre qu'il est grand temps de s'en affranchir. Il faut que les auteurs qui vont travailler sur le Punisher dans l'avenir prennent certes en considérations l'évolution qu'Ennis a imposé au personnage (ne pas la prendre en compte serait de toutes manières d'une part sucidaire car synonyme de régression dans la caractérisation de Castle; de deux quasi-impossible vu la marque qu'elle a laissé) mais en se l'appropriant (ce que Maberry avait commencé à faire), quitte à accoucher de récits de qualité moindre mais qui, au moins, seront dotés d'une vraie personnalité et n'auront pas l'air de copies peu inspirées (ce que sont quasiment toutes les histoires du Punisher post-Garth Ennis).

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