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COMICSOLOGIE
1 août 2012

The Amazing Spider-Man : un film de Marc Webb.

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Rappel des faits : en 2002 sortait le premier film adapté de Spider-Man réalisé par Sam Raimi. Un véritable chef-d’œuvre qui réussissait l’exploit scénaristique de condenser près de 40 ans de comics arachnéen en un seul récit, exploit sublimé par la réalisation magistrale de Raimi qui parvenait à retranscrire visuellement non seulement l’ambiance qui a toujours teinté les comics mais aussi le dynamisme propre à ce super-héros. Une véritable pépite qui, bien plus que le X-Men de Bryan Singer, a véritablement lancé l’ère des super-héros au cinéma, une ère qui continue encore aujourd’hui. C’est bien simple : sans la bombe de Raimi, pas d’Avengers, pas de Dark Knight Rises, pas de Kick-Ass, pas de X-Men Le Commencement. Et je cite là les meilleurs exemples, parce que j’aurais pu aussi parler des films passables (Iron Man premier du nom, par exemple), des films sympas (L’Incroyable Hulk) mais aussi et surtout (et aussi, hélas) des navets engendrés à la va-vite avec  un cynisme évident du genre Iron Man «je m’appelle Tony Stark et pisser dans mon armure comme un porc me fait rire» 2, Ghost Rider «je m’appelle Johnny Blaze et je pisse des flammes, ça me fait rire»  L’Esprit De Vengeance ou encore Green Lantern et sa production-design tellement horrible que même Valérie Damidot n’aurait pas osé. Le phénomène est tel que même certains projets qui auraient semblé des plus casse-gueule il y a un peu plus de dix ans ont finalement pris forme. Qui aurait pu croire qu’un personnage comme Elektra aurait droit un jour à son propre film (bon cela dit, à l’heure actuelle, personne ne peut  affirmer que le film Elektra mettait bien en scène le personnage créé par Frank Miller, mais bref) ?

 

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Pour en revenir à Spider-Man, Raimi ne s’est pas reposé sur ses lauriers. Il me faut rapidement parler (et je vais le faire ne essayant de ne pas m’enflammer, parce que je peux partir très vite en en parlant) de sa suite directe, qui en plus d’être non seulement le meilleur film de Raimi est également à mon sens le meilleur film de super-héros à ce jour. Une véritable analyse des motivations profondes du personnage, de ses choix, doublé d’une glorification de ses actes (magistralement filmés par Raimi) qui aboutit au final à un vibrant hommage envers Spidey qui culmine thématiquement et formellement lors de la magnifique scène ou le super-héros sauve aux prix d’efforts surhumains un train avant d’être porté en croix par tous les passagers reconnaissants. Il y a ensuite le mésestimé Spider-Man 3, probablement à cause de certains parti-pris un peu too-much (Peter Parker en plein délire qui exécute quelques pas de danse en pleine rue, par exemple…je suis le premier à dire qu’on aurait peut-être pu s’en passer) et d’un méchant totalement bâclé (Raimi s’en tape ouvertement de Venom). Cela dit, le film recèle encore assez de moments épique (le combat final, l’affrontement aérien époustouflant entre Peter et Harry Osborn) ou émouvants (la «naissance» de l’Homme-Sable), sans compter l’exploration bien souvent intéressante de la face sombre de Peter Parker pour placer le film au-dessus du lot. Certes inférieur aux deux chefs-d’œuvre précédents (peut-être, tout simplement, parce que Raimi avait déjà dit l’essentiel à propos du personnage), mais le film ne mérite clairement pas sa réputation désastreuse.

Quoiqu’il en soit, et vous l’aurez compris à la lecture du titre de cet article, il ne s’agit pas ici de parler de la trilogie de Sam Raimi mais de son reboot, puisque quatrième film de Raimi il n’y aura jamais. On ne saura donc jamais si Bruce Campbell aurait bien interprété Mysterio aux côtés d’un John Malkovich assuré d’avoir le rôle du Vautour, et surtout on ne saura jamais comment Raimi aurait exploré les vois intéressantes qu’il entrouvre à propos du personnage via le tout dernier plan de Spider-Man 3, qui semblait augurer d’un nouveau départ sans pour autant s’éloigner de la continuité des trois films.

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Cela dit, nouveau départ il y a puisqu’on nous promet via le reboot orchestré par Marc Webb de raconter du jamais vu et de nous montrer Peter Parker tel qu’on ne l’a jamais vu. Effectivement, le représenter comme une baltringue de première catégorie n’a encore jamais été fait. Et concernant l’intrigue toute nouvelle, il ne s’agit que d’une belle part de flan puisque le film marche dans les traces du Raimi en les déformant allègrement. Car que les choses soient posées d’emblée : je trouve le film exécrable (au cas où vous ne l’auriez pas encore compris). Mais vu que me contenter de quelques phrases bien senties n’est pas mon style, je vais approfondir mon point de vue vis-à-vis du film.

Pour ce qui est du jamais-vu, le spectateur est servi avec l’image totalement irresponsable (et donc non-héroïque) sous laquelle Peter nous est présenté.

Dans les comics, Peter est un nerd effacé, totalement inadapté socialement, incapable de s’adresser à une fille sans bafouiller. C’est un petit génie scientifique, peut-être un peu trop couvé par son oncle Ben et sa tante May. C’est bon, vous avez bien en tête l’image de Peter Parker tel qu’il est dans les comics des débuts et dans les deux premiers films de Raimi ? Alors oubliez-le, puisque Marc Webb et ses scénaristes n’en ont visiblement rien à foutre.

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Dans leur soi-disant reboot, Peter est un ado bien dans sa peau, fringué à la dernière mode, en plus d’être un cliché ambulant du skateur qui exécute sans soucis diverses figure en pleine rue et qui n’hésite pas à se montrer arrogant avec ses professeurs (voir cette scène où Peter se moque doucement de celui qui lui dit de ne pas skater dans les couloirs). Concernant sa sociabilité, Parker n’est sûrement pas l’élève le plus populaire mais il est loin d’être conspué ou ignoré. Plein d’arrogance, il n’hésite pas non plus à se croire plus fort qu’il ne l’est face à Flash Thompson et se montre même, lors d’une dispute avec son oncle, incroyablement ingrat. Bref, en un mot comme en cent : ce nouveau Peter Parker est un véritable petit con. Et très franchement, cela ne poserait pas réellement problème si la découverte de ses pouvoirs permettait, comme dans les comics et la trilogie de Raimi, de faire ressortir la bonté qui est en lui afin de devenir un super-héros digne de ce nom. En clair, les supers-pouvoirs agissent comme un révélateur de sa personnalité profonde, qui se doit d’être mise en lumière via des actes significatifs. Mais là où le VRAI Spider-Man s’avérait être une personne admirable, cette nouvelle version de l’homme-araignée ne cessera de s’enfoncer de plus en plus.

 

 

 

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Dans une certaine mesure, on peut rapprocher certains aspects de ce nouveau Spider-Man à Red Mist, l’antagoniste de Kick-Ass (aussi bien la version papier que la version ciné). Petite explication rapide : Kick-Ass, bien qu’ayant une envie certaine d’en mettre plein la vue la fille qu’il désire n’en demeure pas moins animé également d’une véritable intention d’aider, preuve en est les risques inconsidérés qu’il prend dès ses débuts. Et c’est en passant toute une série d’épreuve qu’il deviendra un véritable super-héros, mettant de côté ses envies égoïstes pour aller défier d’une façon quasi-suicidaire un gros bonnet de la pègre. Red Mist, lui, est tout le contraire : il a pour ambition d’égaler son criminel de père et il passera tout le comic / le film à obéir à cette ambition, passant sans cesse à côté d’occasions de devenir meilleur. Le nouveau Peter Parker est lui aussi animé d’une ambition flagrante d’être plus populaire, de séduire Gwen Stacy et d’en savoir plus sur ses parents disparus (une sous-intrigue par ailleurs survendue lors de la promo et qui finalement n’occupe pas plus de 10 minutes au début du film et lors de la scène post-générique…j’y reviendrais). Il n’y a aucun altruisme là-dedans, toutes ces intentions sont égocentrées. On me rétorquera que le Spidey du film de Raimi avait aussi pour première intention de gagner rapidement et facilement du fric pour acheter une voiture capable d’emballer Mary-Jane, et c’est tout à fait vrai. Mais lui comprenait lors de son drame fondateur tout l’abject égoïsme qui l’habitait et toutes les responsabilités qui pesaient désormais sur lui. En bref, il ne cessait de s’améliorer là où le nouveau ne va même pas être capable de comprendre la leçon. Cela dit, une scène qui précédait ce fameux drame fondateur (je parle bien sûr de la mort de Ben Parker) laissait déjà entrevoir le côté minable du personnage : je parle du retour de bâton qu’il inflige à Flash. Dans le film de Raimi, Peter provoquait accidentellement cette brute écervelée puis tentait de calmer le jeu avant d’être obligé de recourir à la violence pour finalement s’enfuir après avoir constaté avec honte ce qu’il venait de faire. Le nouveau provoque ostensiblement Flash en se donnant en spectacle (ce qui va à l’encontre de la prudence du personnage, qui ne cesse en civil de se faire passer pour plus faible qu’il ne l’est afin de ne jamais éveiller les soupçons) pour finir par l’humilier avec fierté. Tout l’aspect revanchard et irresponsable du personnage est déjà contenu dans cette scène, et il ne changera jamais.

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Car après l’assassinat de son oncle, Peter se transforme en vigilante masqué. Certes, le Spidey de Raimi revêtait lui aussi un masque pour traquer le meurtrier de son oncle; mais l’aboutissement rapide de cette quête et sa conclusion dramatique, Peter tuant accidentellement le coupable, participait à son drame fondateur et le rendait encore plus responsable. Par la suite, assez rapidement, il devenait Spider-Man et motivé par son sentiment de culpabilité, évoluait en aidant de façon désintéressée la population en sévissant sur les braqueurs, les agresseurs et les délinquants en tous genres. Spider-Man se met au service des autres afin non seulement d’éviter au maximum que le drame qu’il a subi se reproduise chez d’autres ; mais aussi et peut-être même surtout pour se punir. Il se sait en partie responsable et choisit d’endosser courageusement le costume d’un super-héros en ayant conscience de toutes les souffrances à la fois physiques et émotionnelles que cela implique. Le nouveau ne se punit pas, il punit. En soi, voir Spider-Man péter un plomb et se mettre à violemment corriger toutes les petites racailles de la ville n’est pas véritablement choquant étant donné que dans divers arcs narratifs ou épisodes isolés, on l’a déjà vu devenir plus un justicier qu’un super-héros. On peut notamment citer la saga Back In Black dans laquelle il cherche à retrouver à tout prix l’assassin de sa tante, ou le récent épisode Le Rendez-Vous De L’Amour où il tabasse tous les criminels de la ville pour retrouver l’agresseur de Betty Brant. Mais ces écarts de conduite isolés surviennent suite à des actes qui le touchent profondément et qui l’empêchent dès lors de contrôler ses pulsions, ce qui libère un trop plein de souffrances accumulées qui ne demandent qu’à exploser. Si l’acte de retrouver et de faire payer pour son crime le tueur de son oncle est fondamentalement plus un acte de justicier que de super-héros, il participe du fait de sa motivation très particulière au drame fondateur et se doit donc de ne pas durer longtemps, au risque de modifier la base et donc le statut à venir du personnage. Pour faire simple, dans les comics et dans le premier volet signé Raimi, voilà ce qu’il se passait : le meurtre qui aurait pu être évité, couplé à la découverte rapide de l’identité du tueur et à sa neutralisation toute aussi rapide, enclenche la prise de conscience qui caractérise Spidey et qui est resté célèbre : un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Toute l’essence, la personnalité, la psychologie du personnage descend de là. Et par extension c’est autour de ce constat que le reste de l’univers se construit.

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Or dans le cas du nouveau film, c’est justement là où il y a un sérieux problème : Peter Parker devient Spider-Man bien avant d’être allé au bout de son «initiation». Ce fait au final assez simple (aller au bout de l’ «initiation») avait été parfaitement assimilé par Raimi qui avait subtilement induit l’idée en ne faisant enfiler à Peter le vrai costume de Spider-Man qu’après son «initiation». Au cours de celle-ci, Peter portait un costume grossier et aux contours amples dans lequel il flottait, preuve d’un super-héros en construction mais encore bien trop immature pour prétendre à ce titre et enfiler un costume qui lui sied parfaitement. Lorsque le Spider-Man nouvelle version retrouve l’assassin de son oncle, dont il connaît l’identité depuis le début, il porte déjà son costume définitif. Auparavant, on l’aura vu traquer et tabasser plusieurs petites frappes dans des ruelles sombres. Conclusion : là où le Spider-Man de Raimi, fidèlement aux comics, naissait dans la lumière issue d’une réflexion salvatrice, le Spider-Man de Webb est né dans les ténèbres, dans la précipitation, dans la violence et dans la rancœur. A partir de là, on est déjà sûr de ne jamais voir Spider-Man dans ce film, puisque son traitement est plus celui d’un justicier lambda au but étriqué et bien défini (retrouver le coupable et lui régler son compte) que celui d’un super-héros ou même d’un chevalier noir (qui eux aussi se construisent dans la rage mais avec un certain nombre de détails subtils en prime qui les poussent à continuer éternellement leur combat).

De fait, pour un film s’intitulant The Amazing Spider-Man et censé montrer dès lors un super-héros, cela est déjà un bel handicap et une preuve flagrante que les scénaristes ont au mieux analysé le personnage mais n’y ont rien compris et au pire qu’ils n’en ont rien à faire et se fichent de quoi il a l’air. Au vu de la suite du film et surtout de la deuxième partie de cet article, je pencherais pour la deuxième solution. Donc, pour l’instant, concernant la suite des évènements : Spider-Man retrouve le coupable. Dans la logique établie par tout ce qui a précédé, il devrait lui faire sa fête. Et là, il…le vanne. Se donne en spectacle. Le laisse en plan. Fait le malin avec les flics qui arrivent. Puis se casse la queue entre les jambes en se cognant pitoyablement à un bus au passage. Permettez-moi donc de pousser un énorme WHAT THE FUCK ?! Très franchement, j’aurais préféré le voir agir en justicier. Certes, ça aurait été à l’ouest au vu du personnage mais cela aurait assuré une vraie cohérence scénaristique au film et aurait montré un Peter Parker évoluant un peu, passant du statut de teenager tête-à-claques à celui de justicier. Les scénaristes se seraient gourés, mais auraient au moins prouvé qu’ils avaient sérieusement tenté quelque chose. Ici, ils lui donnent une essence de justicier avant de se rendre probablement compte que, ah bah ouais, merde alors, Spider-Man est un super-héros, on vient juste de s’en rendre compte; faisons-lui faire des vannes débiles, ça passera sûrement. Et bien messieurs…non. Mille fois non. A partir de là, le statut super-héroïque du personnage ayant été royalement ignoré et amené n’importe comment, il s’agit tout de même de lui faire affronter un super-vilain, le Lézard en l’occurrence. Afin de recoller les morceaux et de trouver un prétexte à cet affrontement, ils commettent l’erreur de donner un autre objectif égocentré à Peter : Curt Connors sait des choses sur la mort de ses parents; Connors étant devenu le Lézard, il va falloir aller lui taper dessus. Après la vengeance, c’est donc un autre motif loin d’être altruiste qui est utilisé. L’altruisme étant une des principales caractéristiques du super-héros, il n’y a dès lors plus grand-chose à dire concernant Spider-Man, celui-ci obéissant comme au départ du film à des envies personnelles. Tout le reste du métrage ne s’émancipera jamais de ce schéma foireux et nous montrera un Spider-Man non-héroïque (quand bien même le film essaiera de faire croire le contraire, mais j’y reviendrais), frimeur (voir cette scène où il se sert de ses lances-toiles pour rouler une pelle à Gwen après lui avoir dévoilé son identité parce que dans l’esprit du film, être Spider-Man n’est pas source de malheurs et de souffrances, c’est juste trop cool) et surtout totalement irresponsable. Sur ce point, il faut noter son incapacité à garder son secret puisqu’à peu près tout le monde connaît son identité (surtout qu’il est assez con pour écrire son nom en grosses lettres sur l’appareil photo suspendu à de la toile censé tirer le portrait du Lézard, une aberration qui par ailleurs va totalement à l’encontre de l’intelligence supposée géniale de Parker); mais surtout son incapacité à se rendre compte du lourd poids pesant sur ses épaules, puisque par exemple le capitaine Stacy devra à l’article de la mort le supplier de rompre avec Gwen pour la tenir à l’écart du danger. Que Peter accepte à contrecœur souligne déjà son aspect totalement désinvolte là où le vrai Spider-Man a immédiatement compris que cacher ses activités à ses proches quitte à avoir une vie sociale rachitique est primordial pour leur sécurité. Mais qu’en plus, 5 minutes de film plus tard, il foute allègrement en l’air sa promesse achève de le rendre irrécupérable.

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Ce traitement crétin du personnage serait déjà assez grave pris à part et suffirait à lui seul à enterrer le film, mais le fait est qu’il continue de creuser en contaminant de sa nullité les autres personnages, traités sans aucun sérieux, pour une raison toute simple : un film de super-héros se construit autour de son personnage principal. Un personnage principal construit par-dessus la jambe ne peut qu’être la source de fondations bancales. Sans revenir sur la façon dont est représenté l’aspect nerd de Peter (il a apposé à la porte de sa chambre un verrou qui se ferme par ordinateur, voilà pour son côté «petit génie»), on y verra ainsi un capitaine Stacy des plus beaufs gueuler sur à peu près tout le monde comme le dernier des butors (ce qui est L’EXACT opposé du personnage que l’on connaît dans les comics), Gwen sourire lorsque Peter trahit la promesse faite à son père (visiblement, le fait qu’il aurait pu le sauver s’il avait été plus sérieux ne la choque pas…c’est sûrement parce qu’il est trop beau gosse, ou alors la pauvre fille est juste complètement conne), Flash Thompson devenir soudainement le meilleur pote de Peter, Tante May ne servir absolument à rien et ne jamais dire quoique ce soit d’intéressant (on la voit surtout en cuisine et on apprend que ses pains de viande sont dégueulasses, ça c’est de la caractérisation dites-donc), Oncle Ben sortir des allusions gênantes à Gwen («Hé, mon neveu il a une photo de vous sur son ordinateur et je suis quasiment sûr qu’il se tripote la tige en la regardant», putain qu’est-ce qu’on se marre, même le père de Jim dans les American Pie n’oserait pas en sortir une pareille); ou encore Curt Connors devenir le Lézard par intermittence, un peu quand ça lui chante, avec des motivations trouble (il veut transformer tout le monde en Lézard parce que, bah…il est le méchant, bouh qu’il est laid; le vrai Docteur Connors est motivé par un drame personnel impliquant non seulement son infirmité mais aussi ses rapports avec sa femme et son fils Billy, mais il faut croire qu’inclure cela induisait trop de travail un minimum sérieux au niveau de l’écriture, donc basta) et qui se parle à lui-même comme le faisait Norman Osborn dans le premier film de la trilogie originale. Ce qui m’amène justement à la deuxième partie.

Parce que les producteurs ont eu beau vendre leur produit comme un reboot, le fait est qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’un remake. La différence peut se résumer simplement et rapidement ainsi : un reboot est issu du constat que ce qui a été fait avant dans la franchise était bancal ou l’est devenu par la faute de suites ratées, par conséquent le reboot reprend tout à zéro (on n’efface tout et on recommence, en gros); un remake est une nouvelle vision souvent porteuse de scènes supplémentaires et modifiées par rapport à l’original et dont le but est au mieux d’enrichir le propos (cas rarissimes), de lui donner une nouvelle interprétation (cas le plus fréquent), ou au pire de l’affaiblir totalement (cas hélas le plus répandu), mais qui garde toujours certains passages obligés en lui. Un exemple de reboot réussi est la trilogie de Christopher Nolan sur Batman (même si à mon sens, il a fallu attendre le troisième volet pour que cela décolle enfin réellement), pour les remakes on peut citer notamment le premier Halloween de Rob Zombie (le second est lui aussi excellent mais il n’est pas un remake du second volet original, il s’agit d’un autre cas qui est celui de la suite de remake mais passons car ce n’est pas le sujet). Dans le cas de The Amazing Spider-Man, on est bel et bien en présence d’un remake. La sous-intrigue concernant la disparition des parents de Peter Parker, qui aurait dû comme promis supporter le film et revoir en profondeur les origines de l’univers, est au final bâclé en 10 minutes au début du film et n’est réellement ramenée dans l’histoire qu’à la toute fin lors d’une scène post-générique qui permet de comprendre que Peter va continuer sa quête de vérité et donc d’obéir à un objectif purement personnel (ce qui nous ramène à la première partie de cet article et donc à la problématique majeure du film).

Pour le reste, il est en vérité assez difficile de distinguer si cette sous-intrigue qui parcourt vaguement et indistinctement une bonne partie du film sans jamais émerger est la cause de la débâcle générale (comme s’il avait été décidé d’utiliser cette base pour broder sans passion autour) ou s’il ne s’agit que d’un autre des nombreux symptômes d’un film grandement malade qui semble avoir été pensé à la va-vite et qui reprend paresseusement les passages les plus marquants du premier épisode de Raimi. Le concept d’un trauma initial accouchant de névroses multiples n’est en soi pas une mauvaise idée, Spider-Man étant un cas à part dans le monde des super-héros : super-héros certes, mais parcouru de certains traits de caractère névrotiques propres aux chevaliers noirs. Explorer la face la plus sombre du personnage est potentiellement intéressant (et Raimi avait maladroitement tenté le coup et avait en partie raté et en partie réussi à traiter cet aspect dans son troisième Spider-Man); mais dans le cas de Spidey, comme mentionné en première partie, il s’agit d’abord d’en faire un vrai super-héros avant de lui laisser dévoiler son côté obscur.

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En l’état, dans The Amazing Spider-Man, on assiste à un remake vidant de leur substance les personnages et les situations instaurées par Raimi via une attitude dark branchouille poseuse vaguement justifiée par l’intro du film. C’est ainsi que l’on assiste au déroulement du film original : morsure d’araignée dans un laboratoire, tests multiples des supers-pouvoirs, romance, apparition d’un super-vilain issu d’Oscorp, aide des citoyens new-yorkais envers le héros, mort du père d’un personnage proche de lui et enfin serment de responsabilité. Le problème étant que non seulement l’on connaît tout ceci par cœur, mais qu’en plus le traitement raté que j’ai expliqué plus tôt imposé au film affaiblit tout. Outre le côté «osbornien» du Lézard qui se parle à lui-même exactement comme le ferait Norman Osborn (autrement dit, pas comme dans les comics, où le cerveau reptilien de Connors s’adresse à son néocortex), ce qui n’a donc rien à voir avec l’essence du personnage et le rend donc inintéressant; outre le premier baiser entre Peter et Gwen qui essaye de reproduire sans jamais y arriver le romantisme du fameux premier baiser entre Peter et Mary-Jane dans le premier film, la faute à un Peter frimeur qui met ostensiblement ses pouvoirs en avant pour, au fond, tout simplement tirer son coup; l’exemple le plus frappant tient sûrement dans la scène où des new-yorkais apportent leur aide à Spider-Man. Dans le film de Raimi, ce passage  avait un sens narratif et thématique, montrant à Spider-Man que la population l’apprécie malgré les unes diffamatoires du Daily Bugle et soulignait que le discours que lui avait tenu le Bouffon Vert lors de leur seconde rencontre n’était que manipulation. Bref, le terrain avait été bien préparé pour la venue de cette scène qui renforçait l’aspect épique du climax. Dans le film de Webb, cette scène intervient de façon subite et surtout carrément insensée, Spider-Man pouvant très bien sauter de toit en toit que le résultat aurait été le même (là où l’intervention citoyenne du film de Raimi était indispensable pour le succès de Spidey). Dans le fond comme dans la forme, cette scène est donc ramenée à sa portion congrue de scène référentielle, et rien d’autre : elle n’enrichit rien, elle cite juste mollement et facilement un des passages les plus marquants du Spider-Man de 2002 dans le but évident d’apporter une véritable touche super-héroïque à un film qui en manque cruellement. Peine perdue, la scène originale ayant été visiblement incomprise.

En conclusion, il n’y a pas grand-chose à dire, si ce n’est que The Amazing Spider-Man est le résultat incroyablement aberrant d’un travail de scénaristes n’ayant tout simplement pas pris le temps de comprendre le perso, préférant se reposer pitoyablement sur des acquis eux aussi incompris qu’ils ont horriblement fichu en l’air en tentant sans passion ni intelligence de leur apporter une nouvelle vision inappropriée. Un triste constat renforcé par l’absence de qualités formelles de la réalisation de Marc Webb, ce dernier étant incapable de s’émanciper de la réalisation géniale de Sam Raimi et qui se retrouve donc à singer sans le talent de son prédécesseur certains de ses mouvements et plans marquants qui ne retrouvent jamais leur force initiale. 

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Un dernier mot cela dit sur l’enthousiasme dont ont fait preuve certains geeks vis-à-vis de la supposée fidélité de cette nouvelle version sous les prétextes revenant les plus souvent, à savoir que Spider-Man possède ses lances-toiles, sort des vannes et sort avec Gwen Stacy. En prenant en considération le fait que le premier élément qui devait logiquement servir à mieux cerner l’intelligence géniale du personnage est traité par-dessus la jambe (il se fait livrer sa toile par Oscorp et ne la conçoit pas lui-même); que le second est, comme tous les autres aspects de sa personnalité, totalement incompris (dans les comics, Spidey dit des conneries pour se donner du courage et désarçonner l’adversaire, il ne se donne pas en spectacle face à un délinquant lambda); et que le troisième était déjà présent dans le film de Raimi (puisque la Mary-Jane Watson du premier film tient plus de Gwen Stacy dans sa personnalité et son rôle, Raimi allant jusqu’à citer ouvertement la célèbre mort de cette dernière lors du climax au sommet d’un pont), on peut logiquement se demander une certaine partie de la population geek comprend réellement ce qu’elle lit et voit. Car dans ce cas, il apparaît clairement que la trilogie de Raimi est une trilogie somme résumant et contenant toute la carrière du Tisseur ainsi que de son entourage suite à une analyse minutieuse des comics lui étant consacré afin d’en saisir la substantifique moelle; là où l’emploi de détails fidèles (mais qui ne restent jamais que des détails) dans ce nouveau film ne garantit pas pour autant une quelconque fidélité envers le personnage et son univers…Ce problème de vision étriquée et intégriste de la part de certains n’est pas nouveau, et il est d’ailleurs intéressant de voir que certains scénaristes de comics s’y sont attaqués sans ménagement (revoir pour ça mes articles sur le titre «Il Faut Sauver Le Soldat Wilson» affilié à Deadpool, et celui sur l’avant-dernier tome du titre «Marvel Zombies»).

 

 

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